Qu'est-ce qu'un cru ?

Le vocabulaire dans le monde viticole regorge de mots parfois un peu mystérieux. Parmi ces mots, le terme "cru" revient souvent. On entend parler de grand cru ou de premier cru, comme une promesse de qualité d'un vin. Mais qu'est-ce qu'un cru ? Une appellation ? Un terroir ? Un classement ? Ou un peu tout à la fois ? Dans cet article, nous vous expliquons tout ce qui se cache derrière un cru...

 

Histoire et définition du cru

Le mot cru vient du latin crescere, qui signifie « croître », « pousser », « grandir ». À l’origine, vous l'aurez compris, rien à voir avec un vin d’exception : un cru, c’est tout simplement un endroit où pousse la vigne.

Mais très tôt, certaines terres ont commencé à se distinguer des autres. Déjà dans la Rome antique, en Campanie, on observait que les raisins n’avaient pas tout à fait le même goût selon qu’ils étaient récoltés en haut d’une colline, à mi-pente ou au pied.

C’est au Moyen Âge que la notion de cru prend un vrai tournant. Les moines commencent à observer, cartographier, tester. Ils identifient alors les parcelles les plus prometteuses, les mieux exposées, celles qui donnent les vins les plus fins.

Aujourd’hui, et selon la région, un cru peut désigner une parcelle, parfois même un village entier, ou encore un domaine reconnu dans un classement officiel. Ce qui ne change pas, en revanche, c’est l’idée centrale : un cru, c’est toujours une histoire de lieu, de sol, de climat, et de tradition.

 

Un cru, est-ce forcément un vin de qualité ?

Le mot "cru" s'accompagne souvent d'autres mots... Grand cru, premier cru, cru classé... Évidemment, on associe alors ce mot à une promesse de qualité. Mais c'est en fait un peu plus subtil que cela.

On vous expliquait précédemment qu'un cru, c'est d'abord un lieu : une parcelle, un village, un terroir identifié. Certains sont, il est vrai, devenus célèbres pour la qualité de leurs vins. Pour d'autres, moins connus, la qualité va nécessiter plus de travail. Et oui, on peut toujours avoir des surprises ! Un grand cru mal travaillé peut donner un vin un peu décevant, tandis qu'un vigneron talentueux peut faire des merveilles avec un terroir qui ne paraît pas exceptionnel de prime abord. La qualité d'un vin dépend de nombreux facteurs. Le climat, la façon de travailler du vigneron, tout au long de la vie du raisin, et puis la vinification et l'élevage.

Un cru peut orienter et donner une idée sur la qualité du vin. Surtout dans les régions où il y a un classement précis. Mais attention, cela n'est pas toujours vrai pour autant. Il faut tout de même être prudent.

 

Les crus selon les régions...

Il n'y a pas une unique définition d'un cru en France : selon les régions, sa signification change.

La Bourgogne

La Bourgogne est la région viticole française qui possède le plus grand nombre d'appellations. C'est probablement la région où la notion de cru est la plus fine. Mais aussi la plus complexe.

La région possède des appellations régionales, telles que Bourgogne, Bourgogne aligoté ou Crémant-de-Bourgogne. Puis des appellations communales, telles que Chablis, Pommard ou Aloxe-Corton, par exemple. C'est là que ça se complique, car les bourguignons ont ajouté une notion de climats. Il s'agit de parcelles minutieusement délimitées, qui ont des identités uniques. En Bourgogne, un cru, c'est un lieu-dit, parfois quelques rangées de vignes.

Les climats classés Premier Cru représentent 10% de la production bourguignonne. Il s'agit d'appellations communales suivies d'un climat : Santenay premier cru "la Comme" par exemple.

Enfin, il y a seulement 33 climats classés Grand Cru et qui représentent 1% de la production de la région : La Romanée-Conti ou Corton-Charlemagne en font partie.

Le Beaujolais

Dans la région viticole du Beaujolais, le mot cru fait référence à une appellation communale. Les crus du Beaujolais sont des AOC qui se distinguent des deux appellations majeures que sont Beaujolais et Beaujolais-Villages. Les crus du Beaujolais sont au nombre de dix, et se situent dans la partie nord de la région. Les terroirs y sont plus vallonnés et granitiques, un environnement plus favorable à des vins de caractère. Parmi les crus du Beaujolais, vous connaissez peut-être le Brouilly, le Moulin-à-Vent ou encore le Saint-Amour. Dans notre article dédiés aux 10 Crus du Beaujolais, nous vous racontons tout ce que vous devez savoir sur ces crus.

Le Bordelais

À Bordeaux, c'est complètement différent. Le mot cru fait référence ici à un domaine, à un château, et non plus à une parcelle. Au milieu du XIXème siècle, la région viticole de Bordeaux gagne en notoriété, et c'est en 1855, pour l'Exposition Universelle, que Napoléon III demande un classement officiel des vins. Ce classement commence avec les vins du Médoc, et de Sauternes. Puis, celui des vins des Graves et de Saint-Émilion arrive peu de temps après. Pour en savoir plus, n'hésitez pas à lire notre article détaillé sur les grands crus de Saint-Émilion.

Dans le Médoc, par exemple, on retrouve 61 crus classés répartis en cinq niveaux. Les Premiers Grands Crus Classés sont les plus prestigieux avec le Château Lafite-Rothshield ou le Château Margaux par exemple. Viennent ensuite les Deuxièmes, Troisièmes, Quatrièmes et Cinquièmes crus. Étonnamment, si le château change de propriétaire, il ne perd pas son rang dans le classement. Dans le Sauternais, au contraire, on y retrouve seulement des Premiers Crus, et un unique Premier Cru Supérieur : le Château d'Yquem.

L'Alsace

Le premier classement de grands crus en Alsace date de 1975. On en dénombre aujourd'hui 51. Comme en Bourgogne, ils correspondent à des lieux-dits : Mandelberg, à Mittelwihr ou encore Osterbeg à Ribeauvillé. Ces terroirs se distinguent par la qualité de leur sol et leur exposition. Et ils sont d'ailleurs majoritairement concentrés dans le Haut-Rhin.

La Champagne

En Champagne, le cru désigne un village entier. Vous le savez peut-être, mais en Champagne, nombre de viticulteurs vendent leurs raisins aux grandes maisons champenoises. Afin de réguler le marché, le prix du raisin est fixe. Dès la fin du XIXème siècle, chaque village champenois a été noté en fonction de la qualité de sa production. Cette cotation, exprimée en pourcentage, de 80% à 100%, est appelée "échelle des crus". L'interprofession fixe chaque année un prix de référence pour le raisin et les communes vendent leur vendange selon la note qui leur a été attribuée. Il y a 17 communes classées à 100% qui sont les Grands Crus de la région, on y retrouve par exemple les villages de Bouzy, Louvois, Verzenay. La dénomination de Premier Cru regroupe les 44 communes dont la note est comprise entre 90% et 99%. Cela représente 5 000 hectares, soit 15% du vignoble. On y retrouve des villages comme Bezannes, Sacy ou Jouy-lès-Reims. Tous les autres villages sont notés entre 80% et 89%.

 

Comment reconnaître un cru sur une étiquette de vin ?

Il n'est pas toujours évident de reconnaître un cru sur une étiquette. En Bourgogne, il sera souvent précisé "Premier Cru" si ça en est un. Par contre, en cas de "Grand Cru", le lieu-dit est généralement mentionné seul. Il faut connaître un peu ! En Alsace aussi, le terme "Alsace Grand Cru" sera forcément écrit sur l'étiquette, suivi du nom du lieu-dit. Dans le Beaujolais, il faudra reconnaître l'une des dix appellations qui sont crus du Beaujolais. À Bordeaux, l'étiquette pourra mentionner qu'il s'agit d'un Grand Cru Classé, mais parfois il n'y aura que le nom du château. La réputation du domaine peut suffire à identifier un cru classé.

Vous l'aurez compris, selon les régions, reconnaître un cru sur l'étiquette est souvent lié à une connaissance de la région viticole en question. Cela peut être écrit, ou simplement suggéré, à travers un classement, un climat ou le nom d'un château.

En conclusion, derrière le mot "cru" se cachent bien des choses... Il s'agit d'une histoire de lieu, mais aussi de savoir-faire et de tradition, et parfois même, de classement. Une parcelle bien délimitée en Bourgogne, un château du Médoc, un village en Champagne ou encore une appellation dans le Beaujolais... Chaque cru a en lui l'identité d'un terroir, mais aussi l'esprit de ceux qui le cultivent.

 

En revanche, le cru n'est pas un label garantissant une qualité particulière. Il peut être synonyme d'excellente, oui, mais il n'en est pas le garant pour autant. C'est ce qui fait la beauté de la viticulture : la qualité est aussi, et surtout dans la capacité du vigneron à faire s'exprimer son terroir.

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